La start-up Heetch devient membre du réseau CODATU

Publication Vendredi 24 Avril 2020

Heetch, start-up française fondée en 2013 qui opère en Europe et en Afrique des services de mobilité à la demande (VTC, mototaxis), est devenue en avril 2020 un nouveau membre du réseau CODATU.

De l’Europe à l’Afrique et des VTC aux mototaxis

L’entreprise a dans un premier temps proposé un service de covoiturage nocturne entre particuliers à Paris, permettant à des chauffeurs non professionnels d’exercer de manière occasionnelle le métier de taxi. Après avoir mis un terme à ce service en 2017, Heetch a ensuite développé une activité de VTC en France et en Belgique. Suite à plusieurs levées de fonds, notamment 38 millions d’euros début mai 2019, elle a commencé à s’implanter en Afrique où elle opère, depuis 2017, des services de VTC et depuis 2019 des services de mototaxis.

Heetch a d’abord commencé son expansion africaine au Maroc (Casablanca, Rabat et Marrakech). Après avoir obtenu l’autorisation officielle d’exercer, elle a établi des partenariats avec des entrepreneurs locaux et des centrales syndicales. Elle est devenue la première entreprise à proposer des services de taxis disponibles via une application mobile et elle rassemble à ce jour plus de 6 000 chauffeurs de taxi sur sa plateforme. Heetch étend ensuite sa présence dans la région en 2019 en s’implantant en Algérie au travers d’un partenariat avec Nassim Lounes, une entreprise locale spécialisée dans les Technologie de l’Information et de la Communication. En 2020, environ 5 000 chauffeurs proposent leur service sur la plateforme.

Heetch continue ensuite son expansion en Afrique Sub-saharienne où elle diversifie son offre de service en se lançant sur le marché des mototaxis. Elle s’implante tout d’abord en mai 2019 à Abidjan, dans une métropole où le marché des mototaxis est quasi inexistant et dans un contexte où aucune réglementation officielle n’existe. Le gouvernement Ivoirien s’est toutefois rapidement opposé au développement de ce secteur et a décrété quelques mois plus tard l’interdiction de l’activité des motos-taxis à Abidjan, ce qui a mis un terme aux activités de Heetch sur le territoire. En juin 2019, Heetch s’implantait également à Douala et Lomé au Cameroun, pays où les mototaxis dominent le marché des transports urbains, puis en République du Congo à Brazzaville.

En avril 2020, suite à la diffusion sur le continent africain de la pandémie de COVID 19, de nombreux gouvernements décrètent l’interdiction des mototaxis pour des raisons sanitaires. Cette crise contraint l’entreprise à mettre un terme à ses activités de mototaxis sur tout le continent Africain et à se retirer définitivement du Cameroun.

Les perspectives de collaboration et de réflexions avec CODATU

L’accueil de Heetch au sein du réseau CODATU est particulièrement stimulant et ouvre de nombreuses perspectives de projets et de réflexions. CODATU est actuellement en train d’élaborer plusieurs projets d’expérimentations sur le transport artisanal en Afrique, en particulier en ce qui concerne les mototaxis et les taxis collectifs. Le contenu de ce projet et les objectifs varient selon les territoires concernés : collecte de données via du tracking GPS ; expérimentation de plans de mobilité d’entreprises ; regroupement des exploitants au sein de groupes d’intérêt d’entreprises ; formations ; amélioration de la sécurité des chauffeurs et des passagers ; renouvellement ou électrification des flottes de véhicules.

Quel que soit le projet concerné, l’enjeu touche à la fois à l’amélioration de l’offre de service et à la mise en place d’une réglementation cohérente du secteur. Or, le développement d’entreprises telles que Heetch et la diffusion de ces nouveaux services participent d’une reconfiguration du jeu d’acteur et appellent à de nouvelles formes de régulation.

Ces nouveaux services soulèvent en effet à la fois des enjeux et des opportunités pour la régulation et l’amélioration des systèmes locaux de mobilité. Dans certains territoires, ces plateformes participent d’un accroissement non régulé de l’offre de mototaxis et par conséquent d’un renforcement des externalités négatives (pollution, congestion) et de la concurrence et de la précarité du secteur. En outre, le secteur est particulièrement investi par de grandes firmes multinationales comme Uber ou Bolt, ce qui soulève des questions en termes de captation de la rente par ces entreprises et de transformation de la chaine de valeur du secteur. À ce propos, de petites startups locales émergent et développent des solutions adaptées aux contraintes territoriales. A Addis Abeba ou à Nairobi par exemple, des entreprises ont conçu des services de taxis à la demande en partenariat avec les fédérations locales de taxis, en développant des plateformes de réservation adaptées aux territoires mal desservis par l’internet mobile, ou d’autres encore réservées aux femmes.

Dans d’autres cas, ces entreprises favorisent l’institutionnalisation du secteur en établissant des partenariats avec les autorités locales et en imposant des exigences relatives à la qualité de service et à la formalisation du secteur. A Douala par exemple, les 120 000 chauffeurs de mototaxis n’ont dans leur grande majorité pas de permis, d’assurance, de carte grise ni de plaque d’immatriculation. Il est de ce fait impossible pour les autorités de réguler la quantité ou la qualité de l’offre de service, ni de contrôler et de sanctionner les chauffeurs qui agissent dans une impunité totale et sont à l’origine d’une grande part des accidents routiers. Heetch, tout comme l’entreprise Safe Boda qui opère en Ouganda et au Kenya, adoptent la stratégie de se rapprocher des autorités et leur apportent des solutions pour améliorer le secteur. Ils mettent en place des formations au code de la route, effectuent des contrôles techniques, enregistrent leurs chauffeurs pour être en mesure de les suivre et de les sanctionner (le cas échéant), et transmettent des données d’usages aux autorités pour améliorer la planification urbaine. De nouvelles formes de contractualisation entre les autorités et ces entreprises émergent également. A Brazzaville par exemple, Heetch a signé un partenariat avec la municipalité qui lui garantit l’exclusivité des droits à opérer sur le territoire. En contrepartie de ce monopole garanti, Heetch s’engage à respecter un barème tarifaire, à enregistrer et à former les chauffeurs et à transmettre des données. Par ailleurs, ces nouveaux acteurs représentent une opportunité pour passer d’une logique de régulation punitive à une logique de régulation incitative, en autorisant par exemple l’accès à certaines parties de la ville aux chauffeurs qui sont inscrits auprès de ces plateformes et qui respectent de ce fait des exigences légales.

En définitive, la diffusion rapide de ces nouveaux services témoigne de l’importante réceptivité du secteur du transport artisanal aux innovations, de sa réactivité aux forces du marché et de sa pérennité dans le paysage urbain. C’est aussi une preuve supplémentaire de l’importance du rôle joué par le transport artisanal pour les habitants et de la nécessité de composer avec celui-ci pour répondre aux enjeux auxquels sont confrontées les villes en développement (congestion, inégalités d’accessibilité, environnement). Dans ce contexte, la présence de Heetch au sein du réseau CODATU est incontestablement un atout pour réfléchir collectivement au meilleur moyen de tirer parti de ces services tout en réduisant leurs externalités négatives.